utiliser l'urine au jardin

Comment utiliser et doser l’urine comme engrais au jardin

Et si votre urine n’était pas qu’un vulgaire déchet à traiter, mais un engrais naturel abondant, renouvelable et totalement gratuit? Pour ne pas faire d’erreur, voici comment utiliser au mieux votre urine au jardin.

L’urine: un engrais aux nombreux bienfaits

Dans notre société, l’urine est mal vue (c’est sale, ça pue, il faut vite tirer la chasse). Pourtant, elle recèle d’incroyables avantages pour le jardin, et elle a fait l’objet d’études sérieuses, notamment par le Stockholm Environment Institute, l’ingénieur français Renaud de Looze ou encore l’Eawag (Institut fédéral des sciences et technologies de l’eau, en Suisse).

urine au jardin

Tout d’abord, afin de dé-diaboliser ce précieux liquide, voici quelques informations destinées à vous rassurer:

  • L’urine n’est pas sale. Elle est même stérile lorsqu’elle est fraîche, sauf en cas de maladies urinaires. Et plus encore: elle a des vertus cosmétiques (c’est un anti-âge très prisé des Japonais) et thérapeutiques (notamment contre les piqûres et brûlures, ou pour nettoyer, désinfecter et cicatriser une plaie).
  • Elle ne dégage pas d’odeur lorsqu’elle est versée sur un sol vivant et aéré. Contre un bâtiment ou dans la rue, c’est une autre histoire. Cependant, après quelques jours de stockage en bidon, de mauvaises odeurs apparaissent, dues notamment à la décomposition des protéines et à la production d’ammoniac.
  • L’urine peut se conserver d’une saison à l’autre. Rien ne vous empêche de fertiliser au printemps avec l’urine accumulée en hiver. Il suffit de la stocker pure dans des bidons ou des bouteilles remplis à fond (pour éviter le contact avec l’air), bien fermés et entreposés dans un endroit frais et sombre. Une fois entamé, le bidon doit être utilisé en entier.
  • Les traces de médicaments sont totalement détruites lors de la minéralisation de l’urine dans le sol.
  • Les résidus de pesticides sont presque insignifiants pour avoir un impact sur les plantes. De plus, ils sont eux aussi détruits avec le temps.
  • Utiliser l’urine au jardin est une méthode naturelle qui s’inscrit totalement dans une démarche de jardin en permaculture.

Pourquoi l’urine est un engrais?

L’urine a une formule NPK de 0,6 – 0,1 – 0,2. Concrètement, cela veut dire qu’un litre d’urine contient 6g d’azote (N), 1g de phosphore (P) et 2g de potassium (K). C’est un engrais à action rapide bien équilibré, riche en azote.

L’azote contenu dans l’urine est présent sous forme d’urée. Saviez-vous que l’urée de synthèse est l’engrais solide le plus vendu dans le monde? C’est un comble lorsqu’on sait que chaque personne urine 1,5 litres tous les jours!

Cet azote est directement assimilable par les plantes, ce qui en fait un engrais « coup de fouet » qui va favoriser la photosynthèse et le développement des feuilles et des tiges. L’urine a donc une action rapide sur les plantes. Au contraire, un amendement du sol en compost ou en fumier va améliorer la structure du sol et avoir un effet plus lent, en relâchant ses nutriments sur le long terme. Compost et urine sont donc tout à fait complémentaires.

Le seul inconvénient de l’urine au jardin est son taux de sel qui peut être néfaste à grande dose. Si vous urinez toujours au même endroit, le sol (et les plantes qui y vivent) vont être intoxiqués de sel. Il n’y a donc aucun problème à uriner dans votre jardin, mais pas toujours au même endroit. Pour réduire ce taux de sel, vous pouvez manger moins salé (c’est aussi meilleur pour vous) et/ou de substituer le sel de mer avec du sel de régime, moins riche en sodium. Des tests sur les fraises ont notamment montré qu’en remplaçant le sel par du sel de régime dans votre alimentation, les fraises sont plus précoces et donnent de meilleures récoltes.

Comment appliquer l’urine au jardin?

Afin d’éviter tout surdosage, il est conseillé d’appliquer chaque année entre 1L pour les plantes peu gourmandes (comme la salade, les fraisiers ou les carottes) à 3 ou 4 lires d’urine pour les plantes gourmandes (tomates, courgettes) par mètre carré. A cela, il est conseillé d’ajouter le même volume de compost sur la même surface. Il existe deux méthodes pour fertiliser vos plantes (au choix):

  • Fertilisation de fond: épandre 2 à 4 litres d’urine pure + 2 à 4 litres de compost mûr par mètre carré. Faites ceci au printemps, 2 à 3 semaines avant vos plantations, car l’urine a besoin de temps pour se minéraliser et ainsi devenir assimilable par les plantes. Profitez-en pour étendre une couche de paille qui va protéger la vie du sol des UV et des intempéries. Pour les plantes en pot, comptez 1L d’urine pour 20L de terreau. Cette méthode nécessite toutefois de stocker de grandes quantités d’urine: environ 10 bidons de 20L pour un jardin de 100m2.
  • Fertilisation d’entretien: c’est probablement la technique la plus simple car il n’est pas nécessaire de stocker l’urine. Apporter 0,5 L d’urine (diluée dans un arrosoir de 10L d’eau de pluie) par mètre carré. Vous pouvez répéter l’opération toutes les 4 semaines au printemps, toutes les 2 semaines en été lorsque les plantes ont atteint leur taille « adulte » et ont le plus besoin de nutriments.

Faites toutefois attention aux besoins différents des plantes et ne dépassez pas les 2 à 4 litres par mètre carré (soit 4 à 8 applications par saison). La dernière application doit se faire 3-4 semaines avant la récolte. D’une manière générale, il convient d’apporter:

  • 1 – 2 applications pour persil, mâche, radis, carotte, panais, pois
  • 2 – 4 applications pour salade, fraisier, radis noir, navet, patate, betterave, ail, oignon
  • 3 – 5 applications pour courges, épinard, côtes de bette
  • 4 – 7 applications pour tomate, concombre, courgette, aubergine, chou, poireau

Eviter la faim d’azote due au BRF ou au paillage

De par sa composition, l’urine est un remède idéal contre la faim d’azote, un phénomène qui surgit lorsque l’on couvre le sol avec du BRF ou de la paille. L’azote du sol est alors totalement mobilisé par les micro-organismes (champignons) qui vont décomposer ces matières carbonées. Les plantes jaunissent alors, dû au manque d’azote disponible.

L’urine permet d’éviter la faim d’azote: il suffit d’arroser le couvert végétal avec de l’urine diluée à 5% (0,5L dans un arrosoir de 10L par mètre carré) toutes les 3 semaines. Des études ont montré qu’il faut 15L d’urine, pure ou diluée, pour décomposer une brouette de 75L de BRF (ou 2L pour un seau de 10L de BRF). Concrètement, si vous apportez 25 litres de BRF par mètre carré, il faut doubler les doses recommandées plus haut, soit ~5L / m2.

urine au jardin

Culture sur botte de paille

La culture sur botte de paille convient notamment pour les tomates, courgettes, poivrons et les légumes feuille. Afin d’apporter suffisamment de nutriments, arrosez la botte de paille avec 25L d’urine par botte et de l’eau. Laissez fermenter sous une bâche pendant 10 jours et ajoutez 100g de cendres avant de procéder aux plantations.

La cendre, un apport complémentaire

En plus de l’urine, on peut ajouter une tasse de cendres de bois, très riches en minéraux par m2. C’est un maximum qu’il faut absolument respecter, afin de conserver l’équilibre du sol, sa structure et ses petits habitants. Que ce soit au jardin, au pied des arbres ou sur votre pelouse, veillez donc à bien étaler la cendre. Vous pouvez le faire au printemps avant le paillage, ou lorsque vous étalez votre compost. L’intérêt de la cendre réside notamment dans sa teneur en potassium (K), qui accroît la résistance au stress hydrique et aux maladies.

L’urine au jardin: une solution gagnant-gagnant

L’urine n’a donc plus de secret pour vous. Ne gaspillez plus votre pipi, d’autant plus qu’uriner dans l’eau potable est un sacrilège. Faites-en profiter votre jardin, vos haies, arbres fruitiers, plates-bandes fleuries, etc. Vous ferez ainsi des économies d’eau aux toilettes, d’engrais au jardin et vous fermerez la boucle des nutriments. Une solution gagnant-gagnant.

Sources


Serre poulailler permaculture

La permaculture pour les nuls

En quelques années, le terme « permaculture » est devenu omniprésent dans le discours des jardiniers amateurs, paysagistes, designers, architectes, écologistes, etc. Mais que se cache-t-il derrière ce mot magique?

Le terme « permaculture » signifie « culture de la permanence » ou « agriculture permanente ». C’est en fait une méthode de conception (on parle de design) d’écosystème autonome, stable et résilient. Le but étant de produire de la nourriture. J’insiste sur ces adjectifs, car un potager classique est tout sauf un système stable. Il faut semer chaque année, arroser régulièrement, protéger les cultures, etc. Un travail considérable quand on pense qu’une forêt produit 500 fois plus de biomasse qu’un potager, et ce sans pesticide, sans engrais, sans pétrole, sans arrosage. L’idée est donc d’observer la nature afin de s’en inspirer.

Une philosophie à appliquer partout

Loin des monocultures de maïs, de thuya ou de gazon, le permaculteur vise une biodiversité maximale. Pas besoin d’avoir une grande propriété pour appliquer ces principes, au contraire. On peut cultiver sur un balcon, une fenêtre, un trottoir, dans une cour de copropriété, un parc municipal ou à très large échelle comme l’a fait John Liu sur le plateau du Loess.

permaculture plateau du loess

Quelques techniques de permaculture pour les nuls

La permaculture est bien plus qu’une liste de techniques. C’est une philosophie, une attention particulière à favoriser la biodiversité, à optimiser les ressources du lieu, et à produire en abondance. Mais voici quand même quelques techniques souvent rencontrées:

Food Forest (ou jardin-forêt)

C’est mon rêve ! Imaginez: un verger d’arbres fruitiers de toutes sortes. Au pied des arbres, il y a des arbustes (groseille, cassis, framboise, rhubarbe), puis une couverture de sol avec des légumes vivaces, des herbes aromatiques, des fleurs comestibles (soucis, capucine, bourrache), des fraises, de la menthe…

étages végétation

Et ce n’est pas fini: des lianes courent dans les branches des arbres: haricots grimpants, vigne, kiwi, courges. De cette manière, toute l’énergie gratuite qui tombe sur chaque centimètre carré de votre terrain est transformée en biomasse par la photosynthèse. Enfin, dans les haies, on trouvera plusieurs essences d’arbres comestibles.

Couverture de sol

Dans un jardin, la terre ne devrait jamais être à nu. Avez-vous déjà vu un sol nu dans la nature? Non, ça n’existe que dans les déserts. Un sol vivant a toujours un tapis (végétation, feuille mortes) qui protège le sol du soleil (UV, sécheresse) et des intempéries (lessivage). En permaculture, le sol est un système vivant qui nous nourrit et dont on doit prendre soin. Paillage, résidus de tonte ou BRF (Bois Raméal Fragmenté) – sans oublier un semis d’engrais vert en hiver (légumineuses, céréales) – évitent le lessivage des nutriments et épargnent des corvées de désherbage.

Partage équitable de la production

Toutes ces techniques permettent de produire une grande quantité de nourriture. Le partage des surplus est un des principes de la permaculture, y compris avec la faune sauvage ou domestique qui rend des services incroyables. Les oiseaux qui ont régulé les populations d’insectes, les guêpes qui ont pondu dans les chenilles envahissantes, l’incroyable faune du sol qui a produit un terreau fertile, les poules qui amendent le sol et mangent les larves de limaces, les insectes pollinisateurs, et j’en passe. Tout ce petit monde n’est rien d’autre que des ouvriers avec qui il est normal de partager 5 ou 10% de sa production.

Serre poulailler permaculture

Le design en permaculture

C’est la clé de la perma. On ne plante pas n’importe quoi n’importe où à l’improviste. Chaque élément remplit plusieurs fonctions (au moins 3) et chaque fonction doit être assurée par plusieurs éléments. Par exemple, la poule produit des œufs, nettoie le sol et le fertilise avec ses fientes : 3 fonctions. Un pommier produit des fruits, sert de tuteur pour des haricots grimpants, de support pour un hamac, et fournit une litière à l’automne: 4 fonctions.

Observer avant d’agir

Il est primordial de passer un maximum de temps à observer, analyser, réfléchir, trouver des idées, en discuter à plusieurs, avant de se lancer. On entend souvent dire « 10 heures de réflexion pour 1h de travail physique ». Ainsi, un vrai design écologique et holistique, permet d’économiser ses forces et d’éviter les mauvaises surprises. La nature prend son temps pour arriver à un système stable. Il convient donc d’agir comme elle et de garder en tête cette citation:

«On ne commande à la nature qu’en lui obéissant.»

Francis Bacon, Novum organum, 1620

Viser l’autonomie alimentaire

Biologiquement parlant, nous sommes des animaux et notre premier besoin vital est de manger. Or, les grands circuits de distribution nous vendent de la cochonnerie dévitalisée qui coûte cher ou du « bio » qui a fait des centaines de kilomètres en camion frigorifiques. Produire et consommer local évite des transports coûteux et polluants. Les nutriments sont mieux préservés lorsqu’ils sont consommés rapidement. L’économie locale permet de créer des emplois et de garder des savoirs-faire.

Le permaculteur se pose toujours la question: qu’est-ce que je peux faire? Très souvent, la réponse réside dans le problème. Il s’agit de faire avec ce qui existe, et non contre. Construire le monde de demain ou se battre contre le système actuel.

A partir de là, d’autres questions se posent : Pourquoi planter une haie de thuyas autour de chez soi (c’est moche et niveau biodiversité, c’est proche du zéro absolu) si on peut produire de la nourriture (noisetier, sureau, baies de Goji, cornouiller, physallis, églantier, chèvrefeuille, arbousier, figuier, etc.)?

spirale permaculture

Pourquoi avoir des plantes tropicales dans son appartement (aucune n’est comestible) ou des géraniums sur son balcon alors qu’on peut cultiver des fleurs que l’on peut manger ou faire en tisane: soucis, thym, ciboulette, persil, romarin, bleuet, lavande, sauge, échinacée, camomille, passiflore. Pourquoi les villes plantent des cerisiers à fleur en bas de chez moi alors qu’un cerisier classique fait non seulement des fleurs, mais aussi des fruits délicieux?

La permaculture est l’avenir de l’agriculture

La permaculture n’a rien inventé de nouveau, car le modèle des permaculteurs existe depuis toujours, c’est la nature. Le système agricole actuel n’est pas viable: basé sur la chimie et le travail mécanique, il est extrêmement énergivore, dépendant des engrais et des pesticides, et il tue les sols qui s’érodent et deviennent sensibles aux maladies. Quant à l’agriculteur, il est passé du petit paysan avec ses savoir-faire à un exploitant qui, comme son nom l’indique, est là pour exploiter une ressource au maximum en étant totalement déconnecté des rythmes naturels, des cycles de l’azote, du carbone et de l’eau, de la fragilité de la nature, du respect du vivant et des interactions entre les éléments.

Il faut du temps pour changer de modèle et maitriser ces concepts de permaculture. Mais chacun, à son échelle, a la responsabilité et la possibilité d’apporter sa pierre à l’édifice, de faire sa part. C’est à mon avis un travail nécessaire.

« Bien que les problèmes du monde soient d’une complexité croissante, les solutions restent d’une simplicité déconcertante. »

Bill Mollison, fondateur de la permaculture

Comme Bill Mollison, je suis d’avis qu’on peut résoudre tous les problèmes du monde dans un jardin: la sécurité alimentaire, la santé, la pollution, la biodiversité, avec en prime le plaisir et la satisfaction de cultiver des plantes soi-même.

Ça ne coûte rien d’essayer : récupérez et échangez des semences, commencez petit, et surtout faites ce qu’il vous plait. Si vous aimez les fleurs, cultivez des fleurs, si vous aimez les animaux, mettez 2 poules dans votre verger. Une fois que vous aurez commencé, plus rien ne vous arrêtera.

Pour aller plus loin, vous pouvez regarder sur internet les vidéos suivantes: