Et si d’un coup de baguette magique nous pouvions réinventer le monde ? Notre futur dépend de notre imaginaire aujourd’hui, tout comme les scénarios de n’importe quelle modélisation scientifique dépend avant tout des conditions initiales. Voici donc le monde de demain tel que je l’imagine, mon futur désirable.

Croitre ou décroitre ?

Le fonctionnement de notre société repose sur une croissance économique sans fin. Or, vouloir croitre indéfiniment c’est nier les limites planétaires puisque la croissance économique est liée à la consommation de ressources et d’énergie, même si on vise de plus en plus des stratégies de découplage. Certains domaines devront décroitre (aviation, construction, fast fashion, etc.) tandis que d’autres devront croitre (formation, reconversion professionnelle, rénovation, réparation et recyclage, économie circulaire, etc.). Alors pourquoi s’obstiner à croitre continuellement ?

Je crois personnellement en une forme de contentement, de sobriété, d’utilisation rationnelle des ressources disponibles pour nos besoins essentiels.

La décroissance menace-t-elle nos emplois ?

Les menaces de suppressions d’emplois et de délocalisation sont l’éternel argument du système libéral pour justifier le rôle central de l’économie dans notre société et sa croissance à tout va. Cette société nous propose subrepticement de toujours gagner plus pour voyager plus loin, acheter plus de choses, etc. Au contraire, gagner plus augmente notre empreinte écologique. Mon credo : « Travailler moins pour gagner moins », vivre sa vie au lieu de courir après le temps, et se contenter de ce que l’on a. Car il est possible de vivre avec moins à condition de savoir maitriser son budget. Mon expérience prouve que tout est une histoire de choix et de priorité, et que le « manque à gagner » financier dû à une baisse de taux d’activité est largement compensé par des économies dans d’autres domaines, une meilleure santé et une meilleure qualité de vie.

Les énergies « vertes » suffiront-elles à nos besoins?

Pour masquer le débat autour de l’utilisation de l’énergie, les politiciens ne parlent plus que d’émissions CO2. Autrement dit: continuons comme avant, mais avec des énergies « propres ». Or, toute installation de production d’énergie a un impact sur les ressources, le paysage et les conditions de vie sur Terre.

Une transition énergétique réussie mettra la priorité sur la sobriété et l’efficacité énergétique au moyen de technologies low tech. Une fois que nous aurons évité tous les gaspillages et isolé les bâtiments, l’approvisionnement sera presque secondaire. Je l’ai constaté à mon échelle: après avoir isolé notre maison, installé un poêle à bois et des panneaux solaires thermiques, notre consommation de mazout atteint moins de 400L par an. Doit-on changer de chaudière ou faire durer l’actuelle? Nous avons choisi de ne plus acheter de mazout, mais les 3000L qui nous restent devraient nous faire tenir encore 8 ans (une maison similaire non isolée un peu plus d’un an seulement).

Alimentation : bio ou conventionnel ?

L’agriculture est probablement le secteur le plus touché par les dérèglements climatiques et la bétonisation à outrance. Malheureusement, les paysans se croient soutenus par des partis qui nient l’urgence climatique et qui rejettent d’emblée tout ce qui traite du climat. Ce sont les crocodiles qui votent pour leur maroquinier. Car il est prouvé que le bio peut nourrir la planète, à condition d’éviter le gaspillage alimentaire (un tiers de ce qui est produit est jeté) et de manger moins de viande. 80% de l’alimentation animale provient de cultures qui conviennent aussi à la consommation humaine. Au lieu de cultiver pour nourrir des animaux d’élevage, autant nourrir le milliard d’humains sous-alimenté. En plus de nourrir les humains, une agriculture durable agrade les sols et assure ainsi un capital nourricier pour les générations suivantes.

Immigration et frontières

Il est facile pour les bien-nés que nous sommes de décider de fermer les frontières pour maintenir artificiellement notre confort. Mais quelle que soit la dureté de nos politiques migratoires, un pays riche suscitera toujours la convoitise. Renforcer les frontières ne fait qu’exacerber les tensions tout en ignorant le problème de fond que sont les inégalités. La coopération internationale sera d’autant plus nécessaire que les réfugiés climatiques seront de plus en plus nombreux. C’est le prix à payer pour l’inaction climatique des pays riches depuis 60 ans.

Féminisme vs machisme

Le féminisme n’a rien à voir avec une domination matriarcale qui remplacerait le patriarcat. Il s’agit au contraire de viser l’égalité hommes-femmes, ce qui restera une nécessité tant que les femmes continueront de gagner moins que les hommes et d’être sous-représentées dans les sphères dirigeantes (direction, conseils d’administration, parlement, etc.). Ces réflexions touchent rapidement à la conciliation entre vie privée et vie professionnelle et au modèle familial classique « maman à la cuisine, papa au travail », inscrit profondément dans l’ADN de notre société. Quant aux débats passionnés sur l’écriture inclusive ou épicène, ils divisent et desservent la cause plus qu’ils ne résolvent le problème de fond.

Politique de santé ou assurance maladie ?

En termes de santé, les principes « prévenir plutôt que guérir » et « premièrement ne pas nuire » devraient être à la base de toute consultation médicale. Malheureusement, la Big Pharma a pris le dessus sur le bon sens et trouve toujours un moyen lucratif de supprimer les symptômes sans résoudre la cause initiale, le problème de fond à l’origine de la maladie. Or, nous sommes corps-âme-esprit et les maladies indiquent toujours un problème plus profond, plus subtil. Il faut faire la distinction entre soigner et guérir. On peut soigner un cancer, mais il reviendra à la charge tant que l’origine n’est pas traitée. C’est là qu’il devient intéressant de comprendre la psychosomatique et de reconnaitre que les thérapies alternatives sont complémentaires à la médecine conventionnelle allopathique.

A quoi servent les clivages droite-gauche ?

Un parti politique cherchera toujours à tirer la couverture à soi avant de viser le bien commun. Or, des parlements tirés au sort pourraient résoudre bien des soucis tout en réduisant les conflits d’intérêts. De plus, les compromis se font souvent dossier par dossier, amendement par amendement. Alors pourquoi se battre pour le pouvoir et réduire les gens à des étiquettes ? Toutefois, faute de meilleur système, je n’ai jamais manqué une élection car ce sont les rares occasions où le peuple / le souverain a la parole.

S’opposer à un système est stérile

Critiquer ou s’opposer à quelque chose, c’est en général le nourrir, bien sûr involontairement. Les politiciens savent très bien que polémiquer accaparera l’attention médiatique sur eux. Que cette attention soit positive ou négative, cela met de l’eau à leur moulin car le débat tourne autour d’eux. Une manif contre l’extrême-droite ne fera que créer un clivage autour de l’extrême-droite. Que l’on soit contre la pollution, la guerre ou l’oligarchie, peu importe, se battre contre ne fait qu’alimenter ces systèmes. A l’inverse, proposer des alternatives et construire le monde de demain plutôt que démolir celui d’hier est bien plus efficace et constructif sur le long terme. Cyril Dion, dans son Petit manuel de résistance contemporaine, met en avant l’importance de proposer un récit désirable pour transformer le monde de manière positive. « Changer d’histoire pour changer l’histoire ».

Et vous, comment imaginez-vous le futur? Quel est votre futur désirable?