En quelques années, le terme « permaculture » est devenu omniprésent dans le discours des jardiniers amateurs, paysagistes, designers, architectes, écologistes, etc. Mais que se cache-t-il derrière ce mot magique?
Le terme « permaculture » signifie « culture de la permanence » ou « agriculture permanente ». C’est en fait une méthode de conception (on parle de design) d’écosystème autonome, stable et résilient. Le but étant de produire de la nourriture. J’insiste sur ces adjectifs, car un potager classique est tout sauf un système stable. Il faut semer chaque année, arroser régulièrement, protéger les cultures, etc. Un travail considérable quand on pense qu’une forêt produit 500 fois plus de biomasse qu’un potager, et ce sans pesticide, sans engrais, sans pétrole, sans arrosage. L’idée est donc d’observer la nature afin de s’en inspirer.
Une philosophie à appliquer partout
Loin des monocultures de maïs, de thuya ou de gazon, le permaculteur vise une biodiversité maximale. Pas besoin d’avoir une grande propriété pour appliquer ces principes, au contraire. On peut cultiver sur un balcon, une fenêtre, un trottoir, dans une cour de copropriété, un parc municipal ou à très large échelle comme l’a fait John Liu sur le plateau du Loess.
Quelques techniques de permaculture pour les nuls
La permaculture est bien plus qu’une liste de techniques. C’est une philosophie, une attention particulière à favoriser la biodiversité, à optimiser les ressources du lieu, et à produire en abondance. Mais voici quand même quelques techniques souvent rencontrées:
Food Forest (ou jardin-forêt)
C’est mon rêve ! Imaginez: un verger d’arbres fruitiers de toutes sortes. Au pied des arbres, il y a des arbustes (groseille, cassis, framboise, rhubarbe), puis une couverture de sol avec des légumes vivaces, des herbes aromatiques, des fleurs comestibles (soucis, capucine, bourrache), des fraises, de la menthe…
Et ce n’est pas fini: des lianes courent dans les branches des arbres: haricots grimpants, vigne, kiwi, courges. De cette manière, toute l’énergie gratuite qui tombe sur chaque centimètre carré de votre terrain est transformée en biomasse par la photosynthèse. Enfin, dans les haies, on trouvera plusieurs essences d’arbres comestibles.
Couverture de sol
Dans un jardin, la terre ne devrait jamais être à nu. Avez-vous déjà vu un sol nu dans la nature? Non, ça n’existe que dans les déserts. Un sol vivant a toujours un tapis (végétation, feuille mortes) qui protège le sol du soleil (UV, sécheresse) et des intempéries (lessivage). En permaculture, le sol est un système vivant qui nous nourrit et dont on doit prendre soin. Paillage, résidus de tonte ou BRF (Bois Raméal Fragmenté) – sans oublier un semis d’engrais vert en hiver (légumineuses, céréales) – évitent le lessivage des nutriments et épargnent des corvées de désherbage.
Partage équitable de la production
Toutes ces techniques permettent de produire une grande quantité de nourriture. Le partage des surplus est un des principes de la permaculture, y compris avec la faune sauvage ou domestique qui rend des services incroyables. Les oiseaux qui ont régulé les populations d’insectes, les guêpes qui ont pondu dans les chenilles envahissantes, l’incroyable faune du sol qui a produit un terreau fertile, les poules qui amendent le sol et mangent les larves de limaces, les insectes pollinisateurs, et j’en passe. Tout ce petit monde n’est rien d’autre que des ouvriers avec qui il est normal de partager 5 ou 10% de sa production.
Le design en permaculture
C’est la clé de la perma. On ne plante pas n’importe quoi n’importe où à l’improviste. Chaque élément remplit plusieurs fonctions (au moins 3) et chaque fonction doit être assurée par plusieurs éléments. Par exemple, la poule produit des œufs, nettoie le sol et le fertilise avec ses fientes : 3 fonctions. Un pommier produit des fruits, sert de tuteur pour des haricots grimpants, de support pour un hamac, et fournit une litière à l’automne: 4 fonctions.
Observer avant d’agir
Il est primordial de passer un maximum de temps à observer, analyser, réfléchir, trouver des idées, en discuter à plusieurs, avant de se lancer. On entend souvent dire « 10 heures de réflexion pour 1h de travail physique ». Ainsi, un vrai design écologique et holistique, permet d’économiser ses forces et d’éviter les mauvaises surprises. La nature prend son temps pour arriver à un système stable. Il convient donc d’agir comme elle et de garder en tête cette citation:
«On ne commande à la nature qu’en lui obéissant.»
Francis Bacon, Novum organum, 1620
Viser l’autonomie alimentaire
Biologiquement parlant, nous sommes des animaux et notre premier besoin vital est de manger. Or, les grands circuits de distribution nous vendent de la cochonnerie dévitalisée qui coûte cher ou du « bio » qui a fait des centaines de kilomètres en camion frigorifiques. Produire et consommer local évite des transports coûteux et polluants. Les nutriments sont mieux préservés lorsqu’ils sont consommés rapidement. L’économie locale permet de créer des emplois et de garder des savoirs-faire.
Le permaculteur se pose toujours la question: qu’est-ce que je peux faire? Très souvent, la réponse réside dans le problème. Il s’agit de faire avec ce qui existe, et non contre. Construire le monde de demain ou se battre contre le système actuel.
A partir de là, d’autres questions se posent : Pourquoi planter une haie de thuyas autour de chez soi (c’est moche et niveau biodiversité, c’est proche du zéro absolu) si on peut produire de la nourriture (noisetier, sureau, baies de Goji, cornouiller, physallis, églantier, chèvrefeuille, arbousier, figuier, etc.)?
Pourquoi avoir des plantes tropicales dans son appartement (aucune n’est comestible) ou des géraniums sur son balcon alors qu’on peut cultiver des fleurs que l’on peut manger ou faire en tisane: soucis, thym, ciboulette, persil, romarin, bleuet, lavande, sauge, échinacée, camomille, passiflore. Pourquoi les villes plantent des cerisiers à fleur en bas de chez moi alors qu’un cerisier classique fait non seulement des fleurs, mais aussi des fruits délicieux?
La permaculture est l’avenir de l’agriculture
La permaculture n’a rien inventé de nouveau, car le modèle des permaculteurs existe depuis toujours, c’est la nature. Le système agricole actuel n’est pas viable: basé sur la chimie et le travail mécanique, il est extrêmement énergivore, dépendant des engrais et des pesticides, et il tue les sols qui s’érodent et deviennent sensibles aux maladies. Quant à l’agriculteur, il est passé du petit paysan avec ses savoir-faire à un exploitant qui, comme son nom l’indique, est là pour exploiter une ressource au maximum en étant totalement déconnecté des rythmes naturels, des cycles de l’azote, du carbone et de l’eau, de la fragilité de la nature, du respect du vivant et des interactions entre les éléments.
Il faut du temps pour changer de modèle et maitriser ces concepts de permaculture. Mais chacun, à son échelle, a la responsabilité et la possibilité d’apporter sa pierre à l’édifice, de faire sa part. C’est à mon avis un travail nécessaire.
« Bien que les problèmes du monde soient d’une complexité croissante, les solutions restent d’une simplicité déconcertante. »
Bill Mollison, fondateur de la permaculture
Comme Bill Mollison, je suis d’avis qu’on peut résoudre tous les problèmes du monde dans un jardin: la sécurité alimentaire, la santé, la pollution, la biodiversité, avec en prime le plaisir et la satisfaction de cultiver des plantes soi-même.
Ça ne coûte rien d’essayer : récupérez et échangez des semences, commencez petit, et surtout faites ce qu’il vous plait. Si vous aimez les fleurs, cultivez des fleurs, si vous aimez les animaux, mettez 2 poules dans votre verger. Une fois que vous aurez commencé, plus rien ne vous arrêtera.
Pour aller plus loin, vous pouvez regarder sur internet les vidéos suivantes:
- reportage ARTE [12min]
- reportage RTBF sur les jardin des Fraternités Ouvrières [4min]
- Les Fermes Miracle [9min]
- Sepp Holzer [36min]
- vidéos sur geofflawton.com (en anglais).